Vivre l’absence
Je n’ai pas perdu l’espoir
D’avoir un jour enfin la chance de te revoir
Depuis si longtemps dans ma mémoire
Je ressens ta présence comme un moment de gloire
Et si parfois la vie me semble dérisoire
Debout je reste pour ne pas te décevoir.
Épreuve s’il en est de pardonner à la vie ce dont on a été privé tout en restant debout face au poids de cette absurdité. Celui qui reste en dernier doit réinventer sa vie et ne point oublier. Dans cette durable épreuve, les souvenirs affluents, colonisent le présent et attachent au passé. Pris au piège d’une sensibilité qu’il ne peut évincer, ce rescapé se sent toujours habité par cette présence d’antan. Il ne peut s’en débarrasser car elle le priverait de sa sincérité. Ce qu’il a perdu, il ne peut s’en libérer sans prêter le flanc à un sentiment de trahison envers l’être aimée. Alors il voyage en lui et se nourrit de ce manque pour se sentir encore exister à ses côtés. En sublimant cette souffrance, il assume tant bien que mal le prix de cette amputation si chèrement éprouvée. A maintes reprises, il fait marche arrière pour se servir de témoin. Il n’oublie rien. Parfois, le poids de cette relation d’autrefois le submerge au point de ne plus discerner le rêve de la réalité. Il invente des scénarios, s’imprègne de cette absence et la fait revivre pour faire à nouveau vibrer celle qui a fait à jamais de lui un privilégié. Elle le hante et l’accompagne de jour comme de nuit. Elle lui tient compagnie pour tromper sa solitude et être quitte envers cette étreinte que le temps n’a fait que renforcer. Il l’entretient avec passion et exclusivité. Parfois, il a l’impression de s’attarder dans la vie, comme si cette dernière l’avait mise de côté. Mais au fond de lui, malgré cette profonde tristesse et s’il pouvait tout recommencer ; à tout prendre, il sait qu’il ne changerait rien de cette rencontre qui a marqué le sentier de sa vie de précieuses empreintes dont il demeurera à jamais l’unique dépositaire.
En écho « à une absente » de Mohamed Kertach.
