Sur la détresse
La détresse survient lorsque l’on s’est persuadé ne pas sortir indemne d’une épreuve quelque peu subie. Convaincu d’avoir présumé de ses forces, l’être se vide de sa substance et guette le moment crucial où il cédera à l’abandon. Il ne sait rien d’autre que cela. Cette morbide certitude crée une intensité de vie consumant cette matière brute crispée pour la défaire jusqu’à cet instant où il ne restera qu’un corps démantelé prêt à s’écrouler devant l’adversité. Mais dans le fond, il s’agit avant tout d’une lutte contre soi-même. Peut-être devrait-on prendre congé, oublier, partir loin, mettre l’être entre parenthèses pour lâcher prise et vagabonder hors de soi. Nous devons défaire le sentiment d’être indispensable à notre détresse, car cet attachement ne fait que l’alimenter au détriment de notre liberté d’agir. Cette dépendance fige la gravité de l’évènement dans le marbre, alors que les choses de la vie devraient être considérées avec le statut du provisoire afin de ne pas perdre espoir et toujours s’inviter au voyage hors des sentiers battus. Nous devons oublier le présent déterministe ou du moins lui redonner le sens de l’éphémère pour briser l’amertume du condamné.
